Photons d’ultra-haute énergie et matière noire super-lourde à l’Observatoire Pierre Auger

De quoi la matière noire est-elle constituée ? L’absence de photons d’ultra-haute énergie dans les données de l’Observatoire Pierre Auger vient contraindre certains scénarios de matière noire super-lourde.

On pense souvent que la matière noire, la mystérieuse substance qui constitue 27 % de la masse de l'Univers, devrait ressembler à des « protons lourds » se comportant comme des neutrinos. Cependant, rien n’interdit que cette matière noire soit beaucoup plus lourde et qu’elle soit encore plus insaisissable qu’un neutrino. Ce serait notamment le cas si les particules de matière noire interagissaient avec la matière visible seulement par la gravitation, en plus de leur dynamique propre dans un secteur dit « caché » distinct de la matière visible, Ces particules, qui pourraient peser jusqu’à près d’un microgramme (à titre de comparaison, une cellule humaine pèse typiquement 3,5 microgrammes), auraient alors émergé de l'univers primordial pendant la période dite de réchauffement succédant à celle d’inflation.

Jusqu'à présent, la détection d'un grand nombre d'ondes gravitationnelles primordiales dans les prochaines observations du fond diffus cosmologique était considérée comme la seule signature indirecte de ce scénario. Une autre voie, plus directe, vient d’être tracée dans un article paru dans la revue Physical Review Letters pour mettre au jour ce scénario. L’existence d’un nouveau nombre quantique relatif à la dynamique interne au secteur caché garantirait a priori la stabilité de l’une ou des particules très massives. Cependant, même de telles particules peuvent finir par se désintégrer sous l'influence d'« effets instantoniques ». Si ceux-ci sont suffisamment forts, les produits de ces désintégrations devraient produire des flux copieux de photons d’ultra-haute énergie.

L'Observatoire Pierre Auger, auquel participe l'Équipe Astro-Particules de Haute Énergie du Pôle A2C, n'a pas observé jusqu'à présent de tels flux de photons d'énergie supérieure à 108 GeV, ce qui permet de mettre des limites supérieures à la constante de couplage du secteur sombre (un analogue de la constante de structure fine, mais qui ne concerne que la matière noire). Ces limites sont, à ce jour, les meilleures jamais obtenues à partir de processus instantoniques, lesquels sont invoqués dans plusieurs domaines de la physique théorique (théorie des cordes et physique des particules). Elles sont aussi complémentaires de celles obtenues sur les paramètres cosmologiques régissant l'histoire thermique et la géométrie de l'univers à partir des observations du fond diffus cosmologique dans un scénario de matière noire super-lourde.

28/02/2023 15:38